Bruno Bartkowiak est un nom que j’ai longtemps cherché. Dans le sens du crédit graphique. Cela fait un moment que je suis de près le travail des éditions Libertalia, et j’ai toujours apprécié les visuels de couverture (en plus du contenu des ouvrages). C’est un peu par hasard que je suis tombé sur le travail de Bruno, et quelle bonne surprise ! Aujourd’hui, je vous propose donc de découvrir son travail à travers la collection À Boulets rouges.
Booketing : Qu’est ce qui t’as inspiré pour les visuels de cette collection ?
Bruno Bartkowiak : L’identité graphique avec son logo et les illustrations de couverture de la collection « À Boulets rouges » se nourrissent à la fois du Constructivisme russe et du langage signalétique. Ce sont deux de mes grandes influences pour l’ensemble de mon travail. Ici, suivant les couvertures, l’une peut être plus marquée que l’autre mais les deux sont toujours présentes. Un autre élément qui fait unité, c’est le choix arrêté des trois couleurs noir, rouge, et blanc ; trois couleurs caractéristiques, voire cliché mais c’est assumé, des différents courants socialistes et de critique sociale dans lesquels s’inscrit cette collection.
Le principe de trois couleurs se retrouve quasiment dans toutes les couvertures de Libertalia : généralement du noir et blanc avec une autre couleur. L’influence du Suprématisme, et en même temps une référence aux illustrés populaires avec leur gamme de couleurs techniquement limitée — dans la même idée, depuis sa création, Libertalia fait appel à diver-se-s illustrateur-trice-s pour le contenu du texte, à l’image des romans populaires. Ces doubles références, ce dialogue entre culture dite savante et culture dite populaire, sont à la base même de tout mon travail. Pour « À Boulets rouges », comme dit plus tôt, on retrouve de l’avant-garde russe du début du XXe siècle tout autant que des principes du langage signalétique ou de la bande dessinée.
Ce qui fait lien aussi dans ces références et leur relation dialectique, c’est la simplicité apparente et la facilité d’accès au visuel ainsi créé. Il y a dans mon travail un rejet du maniérisme et du pédantisme inutiles, une recherche de l’efficacité mais sans compromis, réduction ou raccourci. Une vision et une praxis qui proviennent directement du mouvement Punk, fondateur et directeur pour moi.
B : Qu’est-ce qui fait que les illustrations que tu as réalisées collent avec le contenu et le ton du bouquin ?
BB : L’urgence et le ton direct du Punk se retrouvent dans la collection « À Boulets rouges » dont le nom déjà parle de lui-même. Il s’agit de courts textes d’intervention, dans un format qui rappelle la brochure politique. L’habillage et les illustrations des couvertures jouent avec les codes associés à ce type d’ouvrage ; c’est revoir les relations que chaque élément entretient avec les autres pour réactualiser et étendre le discours produit — le Punk est aussi un art du collage, du recyclage de clichés pour leur dépassement.
B : Comment tu es arrivé à bosser pour Libertalia ?
BB : Encore le Punk ! Je fais partie du noyau dur de Libertalia avec Charlotte et Nicolas. Avec ce dernier qui est à l’origine du projet, nous avons un long passé de projets communs ou se croisant dans la scène Punk et Redskin. Depuis la création de la maison d’édition en 2007, je m’occupe de la direction artistique. L’expérience et le métier sont venus consolider l’envie et la passion un peu inconscientes (punk quoi !) du début, et nous comptons aujourd’hui une soixantaine de titres à notre catalogue.